Cameroun : Election présidentielle, ce bilan de 43 ans qui pourrait rattraper Paul Biya

Dans le débat sur la longévité des chefs d’État africains au pouvoir, on oublie souvent de poser la seule question qui vaille. Qu’a-t-il fait de tout ce temps ? Car on peut durer au pouvoir sans gouverner, régner sans transformer et commander sans construire ? Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982. 43 ans de règne sans partage, une candidature de plus pour un 8ème mandat et un peu plus toujours dans l’attente d’un État digne de ce nom.
De l’économie à la politique en passant par la santé et l’éducation sans oublier l’insécurité croissant, le Cameroun sous le règne de Paul Biya n’a pas toujours été un Etat digne de ce nom. En 2024, le PIB nominal du Cameroun était de 53,4 milliards pour une croissance qui peine à franchir les 4,1%. Le PIB par habitant exprimé à 1674 dollars, avec une inflation de 6% n’offre pas une stabilité dans les chaînes de production. La dette publique, à 41,8%, sans stratégie visible d’assainissement budgétaire croit sans cesse.
Et faut-il le rappeler, en économie, le problème n’est pas tant la dette, mais davantage l’orientation qu’on donne à celle-ci. La balance commerciale toujours déficitaire est plombée par une dépendance aux importations.
Parlons des réformes structurelles.
L’économie informelle reste dominante et les réformes sont quasiment à l’arrêt. Selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté est de 40%, et il faut noter qu’il n’y a pas eu de progrès significatif depuis près de 10 ans, l’accès à l’électricité est à peine d’environ 50%.
Dans le registre sanitaire, le Cameroun, s’est engagé dans une couverture santé universelle, la CSU, alignée sur l’initiative UHC. Sept régions sur dix sont concernées. Si les données à jour sont indisponibles sur le principe, cela représente tout de même une avancée jamais enregistrée dans le pays.
Dans le registre de l’éducation, en 2024, selon l’UNESCO au Cameroun, le taux d’alphabétisation adulte était de 71,3%. Il est monté à 85,4% chez les jeunes et 76,4% pour les jeunes femmes. L’inscription au primaire a atteint les 93,5% en 2013. On note donc des données nettement meilleures au Cameroun sur ce segment.
Qu’en est-il de la gouvernance et du climat des affaires au Cameroun ?
Au classement Doing Business de 2020, le Cameroun, était à la 167e place avec une corruption systémique et toujours endémique. Les chantiers sont éternels et les surfacturations permanentes. Les résultats sont invisibles, malgré l’affichage d’un réseau de plus de 10 000 kilomètres de route bitumés, seule une fraction du réseau total, environ 8,4%, l’est réellement. Les coûts par kilomètre, 205 millions, sont parmi les plus élevés du continent, sans réel mécanisme efficace pour les réduire.
Sur le volet sécuritaire
Il est à relever que les régions du Sud-ouest et du Nord-Ouest ploient toujours sous le poids de la guerre menée depuis plus d’une dizaine d’années par les bandes sécessionnistes et également dans les régions de l’extrême nord ou encore de l’Est qui sont régulièrement la cible des incursions terroristes de la nébuleuse Boko Haram et d’enlèvements des personnes.
Paul Biya, ne peut pas masquer son bilan. Après plus de quatre décennies au pouvoir, le Cameroun reste englué dans une pauvreté minée par la corruption, ralentie par l’inertie avec une administration plus que vieillissante.
Le pays tourne en rond en prenant un retard considérable sur son développement, toute chose qui trahit le bilan scabreux de Paul Biya. Au fond, le vrai problème n’est pas tant la limitation des mandats, mais davantage le respect des règles du jeu démocratique.
Si la majorité des Camerounais souhaitent sincèrement le départ de Paul Biya, qui postule pour un huitième mandat avec des prisons pleines, une jeunesse sacrifiée et une dette morale comme réelle, impayable envers le peuple. Cela doit pouvoir s’exprimer dans un cadre démocratique équitable, transparent et non biaisé d’avance. Le cœur de la démocratie, c’est le respect du jeu électoral, pas seulement celui du nombre d’années au pouvoir.
Guy Roland